March 24, 2018

Doit-on laisser tomber l’évaluation de la performance?

Il y a plus de dix ans que l’on en entend parler. Plusieurs prétendent qu’il faut la « jeter », ou même la « tuer » (disons que ça fait un bon titre…) D’autres mettent en garde les organisations qui veulent s’en débarrasser et proposent plutôt de la réinventer. Une chose est sûre : la fameuse rencontre d’évaluation annuelle est loin de faire l’unanimité!

Au-delà du fait que les gestionnaires ont horreur de ce processus, souvent imposé par les RH, il semblerait que la méthode traditionnelle de gestion de la performance ne permette pas d’atteindre l’objectif visé. En effet, selon Deloitte, plus de la moitié des dirigeants croit que leur processus de gestion de la performance ne contribue ni à la performance de l’organisation, ni à l’engagement des employés.

Les gestionnaires se plaignent du temps requis et de la lourdeur administrative. Les employés, quant à eux, en sont rarement satisfaits. Selon Gallup, seulement 2 employés sur 10 sont d’avis que leur performance est gérée de façon à les motiver à faire un bon travail. Et à peine 14% d’entre eux pensent que l’évaluation de leur performance les incite à s’améliorer.

Les reproches envers la méthode traditionnelle d’évaluation de la performance sont nombreux. En voici quelques-uns.

Ce qui ne fonctionne plus avec la méthode traditionnelle

Les échelles, les notes et les rangs

Le fait d’utiliser des échelles de mesure (typiquement, « ne répond pas aux attentes », « répond aux attentes », « surpasse les attentes », etc.) donne une impression d’objectivité à un processus qui peut difficilement être plus subjectif. Le superviseur qui évalue son employé est d’abord et avant tout un être humain, avec les nombreux biais qui viennent avec : effet de halo, effet de tendance centrale, etc. En effet, des études ont déjà démontré que la perception des évaluateurs ont plus d’impact (plus de 60%) sur les résultats des évaluations que la performance réelle des personnes évaluées.

Également, certaines organisations forcent leurs gestionnaires à effectuer un rangement de leurs employés. En fonction, par exemple, d’une courbe normale : 20% des employés seraient considérés comme les plus performants, 60% d’entre eux se retrouveraient dans la moyenne, et 20% doivent être identifiés comme les moins bons de l’équipe.

Qu’arrive-t-il à un employé performant normalement qui se retrouve dans une équipe très performante? Il serait considéré comme un cancre alors qu’il répond parfaitement bien aux attentes? Le problème avec cette méthode est que les employés sont comparés entre eux plutôt qu’à des critères de performance clairement établis pour chacun d’eux.

Imaginez l’ambiance…

One-Size-Fit-All

Beaucoup d’organisation ont encore un seul et même formulaire pour tout le monde. Chacun est évalué sur les mêmes critères, peu importe son rôle dans l’organisation ou le nombre d’années à occuper le même poste. Pourtant, les réalités peuvent être dramatiquement différentes entre les secteurs, les départements et même les différents emplois au sein d’une même équipe.

Un de nos clients, une petite entreprise (environ une cinquantaine d’employés) œuvrant dans le transport, souhaitait revoir leur processus et leurs outils pour gérer la performance de leurs employés. Sur les 3 gestionnaires ayant la responsabilité d’évaluer ses employés, l’un d’entre eux supervisait une quarantaine de chauffeurs alors que les autres géraient chacun 2 ou 3 employés de bureau. Il serait tout à fait inconcevable que le processus (fréquence, contenu, méthode) soit le même pour chacun d’eux.

Il faut aussi penser à la distinction entre un employé nouvellement en poste et un autre occupant le même emploi depuis plusieurs années. Leurs besoins en termes de rétroaction seront totalement différents. Leur imposer le même processus (disons, une rencontre annuelle avec un formulaire standard) aurait pour résultats de générer des frustrations et des insatisfactions auprès des deux personnes, pour des raisons complètement opposées. Le premier serait définitivement en déficit de suivis, d’information, de rétroaction, de soutien et de conseils, alors que le deuxième serait franchement exaspéré d’avoir à entendre le même discours, mot pour mot, de l’année précédente. Le jour de la marmotte, quoi!

Pour en apprendre plus sur les bonnes pratiques lors de l’arrivée d’un nouvel employé, lisez notre article Comment perdre ses nouveaux employés en moins de 45 jours.

En bref, il faut absolument adapter nos pratiques de gestion de la performance aux réalités et aux besoins de nos différents départements, gestionnaires, rôles, individus, etc. Oui, c’est plus de travail en amont. Mais considérant tout le temps investi par tout le monde dans ce processus, aussi bien mettre en place quelque chose qui donne réellement des résultats. Non?

Le lien avec la rémunération

La rémunération est un puissant outil de communication. Lorsqu’on veut mettre l’emphase sur les comportements à adopter, les compétences à développer, les objectifs à atteindre, les valeurs importantes pour l’organisation, il suffit de clairement faire le lien entre ces éléments que l’on souhaite renforcer et les augmentations de salaire ou d’éventuelles bonifications. Par contre, pour que ce soit efficace et que ça n’entraîne pas davantage de problématiques que celles que l’on essaie de régler, il faut s’assurer que nos systèmes d’évaluation de la performance et de rémunération sont clairs, complets et communiqués. Ce qui est malheureusement rarement le cas dans une majorité d’organisations.

Plus souvent qu’autrement, lorsque la rémunération est liée à l’évaluation de la performance, on constate que les employés négligent certaines responsabilités, compétences ou valeurs importantes au profit d’éléments qui sont officiellement inclus dans les critères d’évaluation. Même chose pour la collaboration et le travail d’équipe, puisqu’on pense généralement à inclure les objectifs individuels de l’employé dans le programme, et rarement ceux de l’équipe, ou de l’entreprise.

De plus, étant donné que les employés accordent peu de crédibilité aux résultats quantitatifs des évaluations notées, les considérants comme subjectifs, les décisions de rémunération y étant reliées sont souvent perçues comme injustes. En effet, toujours selon Gallup, seulement 29% des employés croient que leur évaluation de performance est équitable, et 26% pensent qu’elle est juste et précise.

La fréquence

Près de la moitié des organisations (48% d’entre elles) ont toujours comme pratique d’évaluer formellement la performance une seule fois par année. Plus d’un quart le font moins souvent encore. C’est donc à peine 25% des employés qui reçoivent de la rétroaction sur leur travail plus d’une fois par année!

Une année, c’est long! C’est pratiquement impossible de se rappeler de tout ce qui peut se passer au travail pendant toute une année! Si vous êtes un gestionnaire, vous avez certainement déjà entendu parlé de l’importance de prendre des notes TOUT AU LONG DE L’ANNÉE afin de vous rappeler des événements du début de la période d’évaluation, pas seulement les derniers. Mais qui le fait vraiment?

Non seulement le fait de ne se rappeler que des derniers mois fausse l’évaluation, mais en plus, le temps écoulé entre les événements et la rétroaction donnée est beaucoup trop long. C’est trop tard : l’employé a eu le temps de répéter encore et encore la même erreur! Lorsque des correctifs doivent être apportés, il est primordial d’adresser la situation rapidement.

Saviez-vous que bien que la reconnaissance (rétroaction positive) soit importante, la rétroaction constructive l’est encore plus aux yeux des employés?

Eh oui! Une recherche effectuée par Jack Zenger et Joe Folkman publiée en 2014 dans le Harvard Business Review nous apprend que les employés préfèrent recevoir de la rétroaction constructive (« corrective feedback ») plutôt que de la reconnaissance (« positive feedback »), alors que les gestionnaires croyaient exactement l’inverse.

Les gens veulent s’améliorer! Et pour ça, ils ont besoin de rétroaction. Rapidement. Souvent.


Manque de fréquence, de clarté sur les attentes, d’objectivité. Trop d’importance mise sur les récompenses monétaires. L’évaluation de la performance semble avoir plus de détracteurs que de supporteurs.

D’un autre côté, les employés veulent du feedback. La majorité des organisations qui nous contactent pour obtenir de l’aide dans la mise en place d’un processus de gestion de la performance le font parce que leurs employés l’ont demandé.

Que doit-on faire, alors?

Regardons de plus près ce que les récentes études sur le sujet nous apprennent.

Les recherches

D’abord, les priorités des individus ont changé. Les employés recherchent maintenant plus qu’un salaire et de bons avantages sociaux. Ils veulent avant tout se développer, et s’attendent à être supportés là-dedans par l’organisation et leur gestionnaire.

Aujourd’hui, on ne doit plus « gérer » la performance. On parle plutôt de « développement » de la performance en continue.

Selon les experts, voici les principaux éléments que l’on retrouve dans un programme performant qui suscite l’engagement et par conséquent, génère un bon retour sur investissement.

La clarté. 

C’est la base. Un employé veut savoir ce qui est attendu de LUI. Spécifiquement. Les formulaires d’évaluation « one size fit all », avec les mêmes critères pour tous les postes dans l’organisation, ne suffisent pas.

Également, les objectifs individuels doivent être alignés, c’est-à-dire que l’employé doit comprendre le lien entre ses efforts et les résultats obtenus par son équipe et son organisation.

La simplicité.

Oubliez les formulaires qui font six pages et les étapes d’approbation et de signature qui n’en finissent plus.

« Less is more ».

Tenez-vous en à l’essentiel, tout en restant spécifique et clair. L’important, c’est de faciliter la discussion et de focaliser sur le développement de l’employé.

Proposez des outils conviviaux et agréables qui donnent le goût de les utiliser. Automatisez vos processus pour passer moins de temps à mettre à jour des formulaires et à faire des suivis, et plus à coacher les employés et les gestionnaires.

Les compétences.

Une récente étude du Brandon Hall Group démontre que les organisations qui ont mis en place l’approche par compétences comme pratique de gestion des talents ont de meilleurs résultats organisationnels (augmentation des revenus, de la satisfaction et de la rétention des clients, de la pénétration du marché et de l’engagement des employés).

L’établissement de profils de compétences pour les différents rôles dans l’organisation, l’évaluation et le développement des compétences des employés sont donc des outils puissants et performants.

L’implication.

Le fait d’avoir son mot à dire dans l’établissement de ses objectifs et l’élaboration de son plan de développement a également un impact important sur la motivation d’un employé à performer.

Au minimum, offrez à l’employé l’occasion de donner son avis sur sa performance, par le biais d’une auto-évaluation par exemple, ou en incorporant une section « Commentaire de l’employé » à votre formulaire d’évaluation.

Idéalement, prenez le temps de discuter avec votre employé au sujet de ce qu’il souhaite développer et les objectifs qu’ils aimerait atteindre au cours de la prochaine année et élaborez ensemble un plan de développement des compétences. 

La fréquence.  

Une longue rencontre d’évaluation par année n’est plus assez. Mieux vaut découper en plusieurs plus courtes rencontres tout au long de l’année, sous forme de coaching et de suivi des objectifs ou du plan de développement.

Rencontrez vos employés dès que vous observez un élément à corriger. Cela leur évitera de répéter les mêmes erreurs ou que le problème fasse boule de neige au point d’en devenir ingérable.

L’objectivité.

Les sources doivent être diversifiées. Les employés croient qu’il est impossible, pour une seule personne, d’avoir une vue d’ensemble sur sa performance. Demandez donc aux collègues, aux clients (internes et externes), aux employés (lorsqu’il s’agit d’un gestionnaire) leur avis sur la performance de votre employé.

Les faits sont importants et les évaluations doivent être équitables, fiables et précises. Utilisez des critères d’évaluation mesurables et objectifs.

Emphase sur les forces et l’avenir.

La discussion doit mettre l’emphase sur les forces et les accomplissements davantage que sur les faiblesses et les pistes d’amélioration. Oui, c’est important de donner de la rétroaction constructive pour éviter à nos employés de répéter les mêmes erreurs. Mais une fois la faute mentionnée et les actions en place pour éviter qu’elle ne se reproduise, concentrons-nous sur ce que l’employé fait de mieux. Car il a été démontré que les équipes les plus performantes sont celles qui adaptent les rôles de ses membres en fonction de leurs forces.

Et surtout la rencontre doit être orientée vers l’avenir et prévoir le développement, pas seulement analyser les performances du passé.


Selon vous, doit-on éliminer les évaluations de performance, comme plusieurs l’ont suggéré? Ou plutôt les réinventer?

Quelles sont les pratiques que vous avez mises en place et qui semblent donner des résultats?

Pour obtenir des outils gratuits facilitant l’évaluation de la performance ou la rétroaction au quotidien, visitez notre boîte à outils.

 

Autres articles sur le sujet de l’évaluation de la performance :

Comment faciliter la rencontre d’évaluation du rendement

Pourquoi évaluer le rendement des employés

 

Sources :

Re-Engineering Performance Management, Gallup, 2017

Reinventing Performance Management, HBR, 2015

Trends in Global Employee Engagement, Aon, 2014

Tendences RH 2017, Deloitte

2017 Competency Planning and Management Study, Brandon Hall Group