September 13, 2019

Brown-out: court-circuit dans l’engagement

Le brown-out : en avez-vous déjà entendu parler ?

Non, nous ne voulons pas parler de burnout, qui survient lorsqu’un individu est en proie à une surcharge de travail – ni de bore-out, qui lui est plutôt causé par une sous-charge de travail et un sentiment d’inutilité. Encore méconnu mais pourtant bien réel, le brown-out, que l’on peut qualifier de perte de sens au travail, est le nouveau fléau organisationnel que certains surnomment la maladie du désengagement.

Plus précisément, il s’agit d’un genre de court-circuit dans la motivation, causé par une prise de conscience soudaine de l’absurdité de son travail : une perte de sens brutale. Un peu comme si, après avoir brillé de tous leurs feux, les étoiles dans les yeux de l’employé – même le plus performant, même le plus engagé – s’éteignaient un beau matin, sans prévenir (ou presque).

«Je suis tannée de me démener pour autre chose que de changer le monde. »

Il s’agit là de la phrase qui a raisonné dans l’esprit de Magalie (nom fictif) un beau matin de printemps. « C’est un peu comme si quelqu’un avait déposé cette idée dans ma tête – que je vivais beaucoup d’anxiété pour, au final, accomplir des tâches qui ne changent pas grand-chose dans la vie de personne ».

Sans comprendre ce qui lui arrivait, Magalie était pourtant en proie à un phénomène de plus en plus commun : le brown-out. Contrairement au burn-out, l’individu atteint par cette nouvelle maladie professionnelle demeure fonctionnel et peut s’acquitter de ses tâches, sans que personne ne remarque sa condition. Mais le cœur n’y est plus. D’ailleurs, si le brown-out peut sembler inoffensif en raison de sa discrétion, il faut se méfier : il s’agit en réalité d’une forme de crise existentielle pernicieuse, pouvant mener à une dépression sévère.

Quand elle a compris ce qui lui arrivait, Magalie a décidé de changer d’emploi, mais elle aurait pu rester en poste encore longtemps. Elle aurait pu offrir une prestation de travail correcte et miner l’ambiance au travail de par sa lassitude. Ou encore, son état aurait pu évoluer vers une situation beaucoup plus grave, la menant en arrêt de travail et causant des effets importants sur sa santé mentale et physique.

Le sens au travail, ça veut dire quoi, au juste ?

Tout d’abord, il faut comprendre ce que c’est, le sens au travail. Dans son rapport d’étude Sens au travail ou sens interdit, Deloitte met en lumière le fait que cette notion est « complexe, subjective et non consensuelle ». Donc, ce n’est pas tout le monde qui a la même définition de ce que ça veut dire, le sens au travail :

  • Pour 49% des répondants, le sens au travail est une affaire individuelle
  • Pour 30% il revêt un caractère collectif
  • Pour 22% seulement, il s’agit d’un sujet principalement organisationnel

Mais attention !
Dans la même étude, les employés répondent que le sens au travail est relié en grande majorité :

  • Aux tâches (29%)
  • Aux valeurs de l’organisation (26%)
  • À la coopération au sein des équipes (26%)

C’est donc dire que, même s’il s’agit d’une notion très personnelle, l’organisation a du pouvoir sur la perception que ses employés ont du sens (ou du non-sens) de leur travail.

Savoir d’où on part : le diagnostic

Comme dans tout bon plan de match, l’idéal est d’avoir un portrait clair de la situation actuelle avant de se mettre en action. L’idée est de tâter le pouls et la perception des employés. Comme il s’agit d’une notion plutôt abstraite et difficilement mesurable, on peut procéder à une évaluation qualitative sous forme de sondage confidentiel (on peut intégrer cette dimension au sondage de mobilisation), de groupes de discussions ou de discussions informelles, on pourra poser diverses questions pour tenter d’avoir un portrait de la situation.

Voici quelques idées de questions à poser aux employés :

  • Dans quelle mesure avez-vous l’impression que votre travail a un impact positif sur les gens autour de vous, incluant vos collègues ?
  • Dans quelle mesure avez-vous l’impression de contribuer à la société par le biais de votre travail ?
  • Dans quelle mesure vous sentez-vous important au sein de votre organisation ?
  • Comment percevez-vous la mission de votre organisation ?
  • Vous sentez-vous en accord avec les valeurs de l’organisation ?
  • Avez-vous le sentiment que votre organisation est un bon citoyen corporatif ?
  • Dans quelle mesure sentez-vous qu’il y a une culture d’entraide au sein de l’organisation ?
  • Avez-vous l’impression de pouvoir vous réaliser pleinement au travail ?
  • Quelle place occupe le travail dans votre vie ? Avez-vous le sentiment que cette place est saine ?

La pression : un déclencheur

Selon le Mouvement Santé-mentale Québec, plusieurs éléments en lien avec la culture organisationnelle et l’ambiance de travail peuvent induire un manque de sens : principe du chacun pour soi, compétition entre les individus ou les équipes, augmentation du rythme de travail, culture de l’urgence et valorisation de la performance à tout prix.

Ainsi, pour prévenir les brown-out au sein de votre organisation, il faut se méfier du discours sur la performance et la quête de l’excellence. Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’il faut cesser de gérer la performance dans l’organisation. Mais il faut certainement porter attention à notre discours organisationnel, et à la pression que ressentent les employés.

Pour bien évaluer cet aspect, il faut prendre un pas de recul et observer les messages véhiculés le plus froidement possible. Est-ce qu’on vit dans un sentiment d’urgence en permanence ? Est-ce que les employés ont l’impression de passer leurs journées à « éteindre des feux » ? Si oui, est-ce justifié ?

La reconnaissance au quotidien,
au-delà du « bravo »

Le besoin de reconnaissance est humain, et son importance a été démontrée étude après étude. Au niveau des organisations, le lien entre la reconnaissance et la mobilisation n’a plus à être prouvé. Pourtant, les employés ne se sentant pas reconnus à leur juste valeur (ou sentant que leurs efforts sont pris pour acquis) ne sont pas rares. Avec le rythme de travail que nous connaissons aujourd’hui, il est facile de se centrer sur la tâche à accomplir. Il est toutefois – tellement ! – important de ne pas perdre de vue l’humain derrière la tâche.

Ainsi, une reconnaissance percutante ira au-delà du traditionnel « bravo » lorsque le travail est bien fait.

Pourquoi appréciez-vous votre collègue / votre employé ? Peut-être son sourire égaye-t-il vos journées ? Peut-être vous offre-t-il une paix d’esprit parce que vous savez que vous pourrez toujours compter sur lui ? N’oubliez pas de reconnaître les gens pour ce qu’ils sont : pas seulement pour ce qu’ils font.       

La marque employeur … n’en faites pas trop
(mais occupez-vous-en !)

On entend de plus en plus parler de marque employeur, et de l’importance de mettre en lumière l’expérience de travail que promet l’organisation, d’une perspective marketing. Oui, la marque employeur est importante et oui, elle vous aidera à attirer les talents et à rendre vos employés fiers de travailler pour vous, si les choses sont bien faites, évidemment.

Cela dit, il faudra prendre garde à ne pas trop en faire. On pourrait être tenté, avec la pénurie de main d’œuvre actuelle, de tomber dans le panneau et de vendre notre offre employeur comme on vendrait un produit. Même si cette stratégie peut s’avérer très efficace avec les candidats et aider à régler un problème d’embauche à court terme, elle risque de démobiliser les employés actuels si la promesse est plus belle que la réalité. L’expérience employé, c’est aussi une histoire de perceptions et d’attentes, versus la réalité.

L’authenticité sera toujours la meilleure des marques employeur. Ceci étant dit, rien ne vous empêche de mettre en lumière les éléments positifs et générateurs de sens au sein de votre organisation – au contraire.

Après tout, lorsqu’ils sont vrais, les messages positifs génèrent du positif 😉

 

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