February 8, 2023

Quiet quitting, semaine de 4 jours et intelligence artificielle : 3 tendances à surveiller en 2023 dans le monde des RH

Quiet quitting, semaine de 4 jours et intelligence artificielle : 3 tendances à surveiller en 2023 dans le monde des RH

Intelligence artificielle : de la grande démission à la grande réorganisation?

Nous avons d’abord connu la grande démission qui s’est présentée pendant la pandémie alors que de très nombreux-euses salarié.e.s ont quitté leur emploi (certains ont même réorienté leur carrière) après avoir réalisé qu’ils et elles étaient malheureux au travail. 

Ces jours-ci, principalement à cause de la mise à disposition du grand public de ChatGPT, on parle de plus en plus d’une possible grande réorganisation. C’est peut-être un peu dramatique comme terminologie, du moins pour le moment, car on ne s’attend tout de même pas à ce que les emplois changent drastiquement à cause de ça dès cette année. En effet, il semble que des milliers d’organisations à travers le monde utilisent déjà des applications basées sur l’intelligence artificielle et à ce jour, pas d’énormes transformations en vue. Malgré tout, on peut penser qu’avec l’arrivée d’outils tels que ChatGPT, le monde a récemment pris conscience du potentiel de ces outils et que des changements plus importants sont à prévoir dans les années qui viennent. 

Les professionnels en RH auront certainement à se pencher sur les conséquences qu’aura l’intelligence artificielle sur les emplois dans leur organisation et forcément, des révisions de rôles et des réorganisations seront à planifier. 

Tel que mentionné par un expert s’exprimant sur le sujet au World Economic Forum à Davos en janvier, on s’attend à ce qu’environ 15% à 70 % des tâches que l’on fait actuellement devant un ordinateur soient accomplies par l’intelligence artificielle dans un avenir assez rapproché. Est-ce que l’intelligence artificielle remplacera les humains qui font présentement ces tâches, laissant ceux-ci sans emploi? Ou alors l’IA permettra à ces mêmes humains de faire encore plus, de façon plus rapide et plus efficace? Est-ce qu’on se servira de l’IA pour créer des emplois encore plus intéressants pour les humains (il y a clairement des tâches dont on pourrait volontiers se passer dans pas mal tous les types d’emploi, non?) 

Lors de cette même conférence, on nous informe également qu’une étude a permis d’établir que sur 950 emplois examinés, aucun n’offrait la possibilité d’exclure complètement les humains d’un bout à l’autre du processus. Mais les changements seront tout de même majeurs et les professionnels en RH auront beaucoup à faire pour revoir le contenu des emplois ainsi que les rôles et responsabilités de chacun. Heureusement, on aura l’IA pour nous aider à réécrire les descriptions de poste, car on va se le dire, ce n’est pas la tâche la plus palpitante! 

Pour le moment, il semble qu’un outil comme ChatGPT soit en mesure de faire des choses très intéressantes, mais il a encore besoin d’un peu de supervision. On ne peut pas le laisser sans surveillance et lui faire confiance les yeux fermés car il fait encore plusieurs erreurs et ses conclusions ne sont pas toujours très justes. C’est souvent la requête de départ qui fait la différence car on peut obtenir des réponses très différentes à une même question posée de façons distinctes. Mais si ce qu’on recherche ce sont des options, des variantes, des idées de départ que l’on reprend et adaptent ensuite, c’est génial!

Un autre angle mort de ChatGPT se situe au niveau de l’éthique. On sait maintenant que des portions de l’outil ont été développées par des compagnies sous-traitantes installées ailleurs dans le monde, comme au Kenya, où les employés n’ont pas reçu un traitement acceptable. On a davantage tendance à se poser des questions sur la provenance et l’éthique de ce qu’on utilise ou achète lorsqu’il s’agit de bien matériels mais les mêmes types d’enjeux se posent pour des biens non matériels comme les solutions informatiques. 

Maintenant, quel sera l’impact de l’IA sur les pertes d’emploi et l’évolution des salaires? Cela dépendra de plusieurs facteurs. Est-ce que l’IA sera un substitut ou plutôt un complément au travail de l’humain? Si elle devient un substitut, des mises à pied massives et des baisses de salaire seront évidemment à envisager. Si c’est plutôt le scénario de la complémentarité qui se réalise, on peut penser que ce ne sera pas plus dramatique que lorsque les ordinateurs ont remplacé la dactylo et que les courriels sont arrivés dans nos vies. 

Les experts ne s’entendent pas là-dessus et certains sont convaincus que l’IA permettra plutôt de faire des tâches qui n’étaient pas du tout accomplies auparavant soit par manque de main d’œuvre, soit parce que la tâche en question aurait pris tellement de temps à un humain que ce n’était pas économiquement viable de la réaliser tout court. 

Bref, seul l’avenir nous le dira. Mais ce qui semble faire consensus, c’est que les emplois qui requièrent des compétences très spécifiques à l’humain (comme l’empathie par exemple) ne sont pas prêts d’être remplacés par l’IA. Personne n’a envie de se faire annoncer par un robot, après avoir lu un scan mieux qu’un radiologiste d’expérience, qu’on a un cancer….

Une petite piste de réflexion ici : nous avançons depuis les dernières décennies dans le chemin de l’automatisation dans plusieurs secteurs d’activité (dont le manufacturier) au grand dam des syndicats qui s’insurgent chaque fois qu’un robot remplace un.e travailleur-eusesur une chaîne de production tandis que que leurs patrons tentent de les rassurer en leur disant que c’est pour le mieux (emplois plus sécuritaires, moins forçants, enrichissants). Alors pourquoi autant d’encre a coulé récemment sur le remplacement des emplois des secteurs professionnels par l’IA? Serait-ce parce que ce sont maintenant nos emplois qui sont visés?

 

Le quiet quitting (ou la démission silencieuse)

Depuis quelque temps, un phénomène est apparu sur les réseaux sociaux et qui fait beaucoup jaser : le quiet quitting.

De quoi parle-t-on exactement? La définition exacte varie d’un expert à l’autre. Voici celle fournit par notre nouvel ami, ChatGPT :

La démission silencieuse ou “quiet quitting” est un terme utilisé pour décrire les employés qui démissionnent de manière passive ou subtile. Ces employés continuent de venir au travail et de remplir leurs tâches quotidiennes, mais ils ont perdu leur engagement et leur motivation. Il existe plusieurs comportements qui peuvent indiquer que quelqu’un est en train de démissionner silencieusement :

  • Diminution de la qualité et de la quantité du travail
  • Absences fréquentes ou manque d’assiduité
  • Mauvaise attitude envers les collègues et les supérieurs
  • Désintérêt pour les projets et les nouvelles tâches
  • Peu ou pas de participation aux réunions ou aux activités de l’entreprise
  • Négligence de ses responsabilités professionnelles

Il est important de noter que ces comportements peuvent également être causés par d’autres facteurs tels que des problèmes personnels ou professionnels, des difficultés à s’adapter au travail ou des problèmes de santé mentale, donc il est important de discuter avec l’employé pour comprendre la cause de leur comportement et de trouver une solution pour améliorer la situation.

En réalité, il ne s’agit pas vraiment d’un phénomène nouveau et dans le passé, on décrivait tout simplement ces personnes comme des employées désengagées (elles composent habituellement autour de 20% des employés d’une organisation). Par contre, en ce moment, le contexte (pénurie de main d’œuvre, ralentissement économique en vue, etc.) fait en sorte qu’on en parle davantage et peut-être bien que le nombre d’employé.e.s adoptant cette stratégie a augmenté, ce serait à valider. Les études sur les niveaux d’engagement des employé.e.s au cours des deux dernières années seront donc intéressantes à éplucher lorsqu’elles seront disponibles.  

On dit que la démission silencieuse suit le courant de la grande démission. L’explication la plus plausible, à notre avis, est que la plupart des personnes qui se trouvaient dans des cultures toxiques (ou avaient des gestionnaires toxiques) et qui avaient les moyens de quitter leur emploi l’ont fait en masse lors de la première année de la pandémie. Elles ne se sentaient pas bien au travail et les énormes chamboulements créés par la crise de la COVID-19  ont contribué à le faire ressortir. Celles qui ne pouvaient se permettre de quitter, pour toutes sortes de raisons, sont probablement celles qui “quiet quit” en ce moment. Ce sont tout simplement des employé.e.s malheureux-euses, et désengagé.e.s, à tort ou à raison. 

Et comme les gens ont maintenant l’embarras du choix des emplois, “grâce” à la pénurie de main-d’œuvre, mieux vaut tenter de mettre en place les pratiques RH qui permettront de réduire ce phénomène dans notre organisation. Comment? En offrant aux employé.e.s un environnement de travail sain et bienveillant, une culture forte avec des valeurs qui les rejoignent, du sens et le sentiment d’avoir un impact positif, des liens forts entre les individus qui sont à la recherche de vraies connexions dans ce monde où tout est dorénavant virtuel et finalement, des opportunités d’apprentissage et de développement. 

Et également, du temps de qualité avec leurs proches. Comme le temps est devenu une denrée rare dans notre société en effervescence où tout va trop vite, la flexibilité et les congés ont pris la pôle position dans le palmarès des avantages les plus prisés par nos employé.ess. Ce sera donc la deuxième tendance que nous allons explorer dans cet article. S’en va-t-on (enfin, diront certain.e.s) vers la semaine de 4 jours?

 

La semaine de 4 jours? Ou plutôt davantage de flexibilité?

Depuis un petit moment, l’idée d’instaurer la semaine de 4 jours fait couler beaucoup d’encre et les discussions sont nombreuses dans les cercles entrepreneuriaux où les PDG cherchent désespérément à trouver de nouveaux moyens d’attirer des employé.e.s de talents qui se font de plus en plus rares. Mais est-ce une vraie solution? À notre avis, il s’agirait plutôt d’une fausse bonne idée. Ce que beaucoup de gens veulent vraiment, c’est effectivement plus de temps, en effet, mais surtout de pouvoir choisir à quel moment ils pourront utiliser celui-ci. Donc, plus de flexibilité, d’abord et avant tout. 

Tout le monde n’a pas les mêmes besoins, la même réalité de vie. Un parent qui doit reconduire et aller chercher ses enfants à la garderie préfèrera probablement travailler l’équivalent de 4 jours étalés sur 5 alors qu’un.e professionnel.le qui fait des études à temps partiel choisira peut-être d’avoir une journée entière par semaine en congé pour pouvoir se concentrer sur ses travaux et aller à ses cours. 

On s’est beaucoup questionné récemment à savoir si on devait obliger les gens à revenir au bureau à raison de 2 ou 3 jours par semaine. Selon une étude publiée par le Wall Street Journal, les gens seraient moins intéressés à choisir leur lieu de travail (au bureau ou à la maison) que de choisir quand ils travaillent et combien d’heures par semaine ils devraient accomplir. 

Alors oui à la semaine de 4 jours, si c’est ce que l’employé.e souhaite. Mais le mieux est encore d’éviter le “one-size-fit-all” et dans la mesure du possible, de permettre aux gens d’adapter leur horaire de travail, autant au niveau du nombre d’heures par semaine que du moment où ces heures seront accomplies. 

Ceci demande bien entendu des adaptations dans nos modes de travail, et surtout dans nos modes de gestion. Les gestionnaires doivent se concentrer sur les objectifs à atteindre et s’assurer de clarifier les tâches à accomplir dans une période donnée plutôt que de mesurer simplement le temps consacré au travail par leurs employé.e.s. Il ne s’agit pas d’un changement facile à mettre en œuvre, surtout pour les gens qui travaillent de cette façon depuis toujours. Ilfaut les accompagner et il s’agit souvent du rôle des professionnel.e.s en RH d’offrir cet accompagnement. 

Un petit bémol : la flexibilité, qu’elle se décline en semaine de 4 jours ou selon une autre formule, s’applique surtout aux employé.e.s occupant un rôle de professionnel (“knowledge workers”). En effet, lorsqu’on pense aux personnes travaillant au salaire minimum et ayant un revenu à peine suffisant pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille, ce qui est important c’est surtout de la prévisibilité. On peut penser qu’elles ont davantage besoin de savoir qu’elles auront suffisamment d’heures de prévues à l’horaire pour couvrir les fins de mois que de flexibilité. 

Les gens sont différents et ont des besoins variés. Ils s’attendent à ce qu’on le reconnaisse et qu’on s’adapte à leur individualité. Il s’agit d’une façon de leur démontrer qu’ils sont réellement considérés pour ce qu’ils sont en tant qu’humains.

Et vous? Avez-vous noté une autre tendance qui se dessine dans le monde du travail pour l’année 2023?